S’il y a bien un talon d’Achille pour une personne qui bégaie, c’est l’appel téléphonique. Si pour beaucoup, le téléphone est un outil pratique et indispensable, pour moi et la plupart des personnes qui bégayent, c’est un cauchemar. Oui, carrément !
Jusqu’à un passé très récent, j’avais une véritable phobie du téléphone, que ce soit pour décrocher ou passer un appel. Je ne saurais compter le nombre d’appels que j’ai ignorés, simplement par peur de bégayer.
Cette situation m’a fait souffrir pendant de nombreuses années. En tant qu’entrepreneur, j’ai probablement laissé passer des opportunités à cause de ce problème. Sur le plan personnel, certaines relations amoureuses sont tombées à l’eau simplement parce que je ne pouvais pas tenir des conversations au téléphone… Billay yow !
Si je suis encore aujourd’hui peu actif dans les groupes WhatsApp, c’est en partie pour cette raison. Même si, il faut le préciser, laisser un message vocal, sans interlocuteur direct, est relativement plus facile que de répondre à un appel en temps réel.
Mon bégaiement est amplifié de façon spectaculaire lorsque je parle au téléphone, surtout lorsque je ne connais pas mon interlocuteur au bout du fil. Je ne saurais vous expliquer avec certitude les raisons. Il y a probablement une forte composante psychologique derrière cela. Mais j’aimerais vous partager une anecdote personnelle qui illustre bien le thème de la 27e Journée mondiale du bégaiement, célébrée ce 22 octobre dans le monde entier. Au Sénégal, c’est l’Association pour la Prise en Charge du Bégaiement au Sénégal (APBS) qui organise les événements. Le thème de cette année : « Le pouvoir de l’écoute : Bégayer donne l’occasion au monde d’apprendre à écouter. »
Il y a quelques années, j’avais une amie proche, cultivée et très ouverte d’esprit, avec qui j’aimais discuter à bâtons rompus en soirée de sujets divers qui me passionnaient : politique, société, religion, boulot… Bref, de tout et de rien.
Nous échangions régulièrement sur WhatsApp, souvent de longues conversations écrites. Elle m’envoyait parfois des messages vocaux, mais je répondais toujours par écrit. À un moment donné, trouvant parfois mes pavés de texte trop longs à lire, elle a commencé à me pousser à m’exprimer à l’oral. Ce fut un grand défi pour moi. Mais elle a fait preuve d’une intelligence, d’une écoute et d’une patience remarquables pour m’encourager dans cette démarche.
Petit à petit, à force de pratique, j’ai fini par m’habituer à envoyer des messages vocaux sans me soucier du bégaiement. Et ce processus, qui a duré pratiquement une année, m’a aussi progressivement aidé à réduire ma peur de répondre à un appel téléphonique.
Aujourd’hui, parler au téléphone reste encore inconfortable pour moi, et il m’arrive toujours de rejeter certains appels, surtout si je ne me sens pas en pleine forme. Cependant, grâce à cette expérience, cela ne constitue plus un fardeau insurmontable.
Je dois une grande part de cette évolution à mon amie, dont la bienveillance et la compréhension ont été des facteurs clés. Grâce à son écoute attentive et à sa capacité à me donner le temps dont j’avais besoin, j’ai pu dépasser une phobie qui me paralysait depuis des années. À travers cette expérience, j’ai pris conscience du véritable pouvoir de l’écoute attentive et l’impact qu’elle pouvait avoir une personne qui souffre du bégaiement.
C’est dire donc que chaque personne qui bégaie a besoin d’une oreille attentive, d’un espace où elle peut s’exprimer sans jugement, sans pression. L’écoute est un don précieux que nous pouvons offrir aux autres, et il est souvent le premier pas vers une meilleure compréhension de ce que vivent les personnes qui bégayent. Que ce soit à travers nos amis, nos proches ou des professionnels, ce soutien est essentiel pour briser les chaînes de l’isolement et redonner confiance à ceux qui en ont besoin.
Par Arouna BA
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