La mise en place d’une nouvelle compagnie aérienne privée au Sénégal, à l’image de Air Sénégal Express, suscite un vif débat parmi les spécialistes du secteur aérien. Ce projet, visant à assurer des vols intérieurs à bas coût pour désenclaver le pays et booster l’économie, offre à la fois de grandes opportunités et des défis notables. Le journal EnQuête, dans son édition du mardi 25 juin, examine les avantages et les risques associés à cette entreprise, en prenant en compte les opinions diverses des experts.
Objectif : Désenclaver les Régions Isolées
Selon un document de programmation budgétaire du ministère sénégalais des Finances, une compagnie dédiée aux vols intérieurs pourrait bientôt voir le jour. Contactés par Jeune Afrique, le ministre des Transports El Malick Ndiaye et le directeur général d’Air Sénégal Alioune Badara Fall n’ont pas encore répondu aux questions posées.
L’une des motivations principales derrière Air Sénégal Express est de connecter les régions éloignées du pays. Offrir des vols fiables et abordables peut significativement favoriser les échanges commerciaux et le tourisme local. Mamadou Lamine Sow, ancien directeur d’Air Sénégal, souligne l’importance de rentabiliser les investissements dans les aéroports secondaires en développant le transport intérieur. Cela pourrait transformer des régions historiquement isolées en pôles économiques dynamiques.
Partenariats Public-Privé : Une Stratégie Gagnante
La collaboration entre l’État et le secteur privé est un autre avantage potentiel. La création d’Air Sénégal Express en partenariat avec des entreprises privées pourrait attirer des investissements et des compétences indispensables à la réussite du projet.
Cette coopération offrirait aussi flexibilité et innovation dans la gestion de la compagnie, souvent plus difficiles à réaliser dans les entreprises entièrement étatiques.
Une nouvelle compagnie dédiée aux vols domestiques pourrait servir de complément aux vols régionaux et internationaux d’Air Sénégal. Cela améliorerait l’efficacité des correspondances et offrirait des tarifs plus compétitifs sur les vols internationaux. Meissa Seck, expert en transport aérien, suggère que l’État et Transair pourraient former une joint-venture pour co-exploiter le réseau domestique, bénéficiant ainsi à l’ensemble du secteur aérien national.
Il explique : « En collaborant étroitement avec des opérateurs privés comme Transair, l’État pourrait partager les risques financiers et bénéficier de l’expertise et de l’efficacité du secteur privé. Une joint-venture avec Transair pourrait maximiser les synergies et garantir une exploitation plus rationnelle et efficace du réseau domestique. »
Viabilité Économique : Un Défi de Taille
Le principal défi reste la viabilité économique des vols domestiques. De nombreuses lignes à faible demande risquent de générer des pertes importantes. Un professionnel du secteur note qu’aucune desserte domestique sénégalaise ne justifie un trafic régulier, à l’exception de certaines lignes spécifiques comme celles vers la Casamance ou Tambacounda en saison de chasse. Les coûts d’exploitation élevés et la faible demande sur certaines routes pourraient rapidement rendre l’entreprise non rentable.
Le Sénégal a déjà connu des échecs avec des compagnies aériennes nationales, comme le montre l’expérience d’Air Sénégal. Le manque de planification stratégique, les inefficacités opérationnelles et les décisions politiques ont souvent freiné le succès des entreprises aériennes.
Meissa Seck met en garde contre la répétition des erreurs passées, soulignant que « dans des conditions identiques de température et de pression, les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. »
Concurrence et Marché Limité
Le marché intérieur sénégalais est limité, avec une demande relativement faible pour les vols domestiques réguliers. L’introduction d’une nouvelle compagnie pourrait entraîner une concurrence directe avec des opérateurs existants comme Transair, fragilisant ainsi davantage le marché. Meissa Seck, ancien agent de la compagnie Air Afrique, préconise de soutenir Transair plutôt que de créer une nouvelle concurrence, suggérant une mutualisation des forces pour co-exploiter le réseau domestique.
Les récents problèmes liés à la livraison et à la fonctionnalité des nouveaux avions illustrent les défis logistiques et techniques auxquels la nouvelle compagnie pourrait être confrontée. Les retards et les révisions de commande témoignent des difficultés potentielles dans la gestion de la flotte et la mise en service des appareils.
Perspectives et Stratégies pour l’Avenir
Avant de lancer une nouvelle compagnie, il serait sage de réaliser un audit technique, administratif, financier et comptable d’Air Sénégal. Une telle évaluation permettrait d’identifier les faiblesses et les points forts, offrant ainsi une base solide pour une réorganisation et une optimisation des opérations. Suspendre les activités d’Air Sénégal, comme le suggère ce consultant, pourrait permettre une refonte complète et une mise en place de nouvelles bases plus solides.
Assane Camara, responsable touristique, insiste sur le rôle régulateur de l’État pour garantir des prix accessibles aux Sénégalais moyens. L’État devrait non seulement investir dans les infrastructures, mais aussi créer un environnement favorable aux investissements privés tout en régulant le marché pour éviter des prix excessifs et garantir une accessibilité pour tous.