À 73 ans, François Bayrou vient d’accéder au poste de Premier ministre, couronnement d’une carrière politique singulière marquée par une obstination à défendre un centre politique français longtemps considéré comme improbable. Fils d’agriculteurs du Béarn, cet agrégé de lettres classiques a transformé ses échecs électoraux en tremplin vers l’influence politique.
Un parcours politique entre ambition et persévérance
Trois fois candidat malheureux à l’presidential election (en 2002, 2007 et 2012), Bayrou a su rebondir de manière spectaculaire. Son soutien décisif à Emmanuel Macron en 2017 illustre parfaitement sa capacité à faire de ses déceptions des opportunités stratégiques.
« Vous n’avez pas l’âge qu’il faut, mais ça ne fait rien. Si vous pouvez réussir là où j’ai échoué, je vous aiderai »,
avait-il alors déclaré au jeune ministre, préfigurant une alliance politique qui le mènerait aujourd’hui à Matignon.
Son passage au gouvernement, bien que bref – seulement 34 jours comme ministre de la Justice – n’a pas entaché son influence. Malgré une enquête sur des soupçons d’emplois fictifs au Parlement européen, dont son parti a été condamné mais dont il a personnellement été relaxé, Bayrou a continué de jouer un rôle crucial auprès d’Emmanuel Macron.
Un centriste aux multiples facettes
Bayrou incarne une figure politique complexe et atypique. Ancien militant sous Valéry Giscard d’Estaing, ministre de l’Éducation nationale de 1993 à 1997, il a toujours cultivé une image singulière. Bègue dans sa jeunesse mais devenu orateur redoutable, il a su transformer ce qui aurait pu être un handicap en force.
Son ancrage territorial est fort : maire de Pau depuis 2014, il reste profondément attaché au Béarn et à ses racines rurales. Amateur d’histoire, il a même écrit une biographie d’Henri IV, roi dont il se sent proche et qu’il cite comme modèle de réconciliation nationale.
Politiquement, Bayrou a constamment défendu l’idée d’un centre indépendant, refusant les allégeances traditionnelles. Il a ainsi surpris en ne soutenant pas Nicolas Sarkozy en 2007 et en accordant son soutien personnel à François Hollande en 2012.
Sa nomination comme Premier ministre aujourd’hui peut être vue comme la reconnaissance tardive de sa constance politique et de sa capacité à jouer les faiseurs de roi. Comme il aimait le rappeler en évoquant Georges Clémenceau, l’âge n’est pas un obstacle à la capacité de servir son pays.
Bayrou reste un personnage clivant : admiré pour sa ténacité par certains, critiqué pour sa vanité par d’autres, comme l’a récemment souligné Jean-Michel Blanquer. Mais son parcours témoigne d’une force politique peu commune : celle de transformer l’adversité en opportunité.