Le groupe libanais Hezbollah a confirmé vendredi soir la mort de son chef de longue date, Hassan Nasrallah, suite à une puissante attaque aérienne israélienne sur Beyrouth.
Une figure controversée de la résistance
Nasrallah, qui avait atteint le sommet de sa popularité après la guerre contre Israël en 2006, était perçu comme un héros par de nombreux partisans au Liban et au-delà. Sa position contre Israël avait défini sa carrière et celle de son groupe, soutenu par l’Iran. Toutefois, cette image a commencé à changer lorsque Hezbollah a envoyé des combattants en Syrie pour soutenir le régime de Bachar al-Assad face à une révolte menaçant son pouvoir.
Cette intervention a transformé l’image de Nasrallah aux yeux de nombreux Arabes, qui le voyaient désormais non plus comme un leader de la résistance, mais comme un chef chiite défendant les intérêts iraniens. Il a ainsi perdu le soutien de plusieurs pays arabes.
Avant même l’implication de Hezbollah en Syrie, Nasrallah n’avait pas réussi à convaincre une grande partie du monde arabe sunnite que son groupe n’était pas derrière l’assassinat en 2005 de Rafik Hariri, ancien premier ministre libanais. Un tribunal international a inculpé quatre membres de Hezbollah, et l’un d’eux a été condamné.
Malgré ces accusations, Nasrallah a continué de bénéficier du soutien inébranlable de sa base, principalement composée de chiites libanais, qui le voyaient comme un leader charismatique et une figure religieuse.
Les débuts de Hassan Nasrallah : un engagement précoce
Né en 1960, Nasrallah a grandi dans un environnement empreint de mythologie politique à l’est de Beyrouth. Dès son plus jeune âge, il était reconnu pour sa piété et son intérêt pour la politique. Il passait de longues heures à lire des livres sur l’islam et était fasciné par la figure du savant chiite Musa al-Sadr, qu’il admirait profondément.
Al-Sadr a fondé en 1974 le Mouvement des Déshérités, qui a donné naissance au parti rival de Hezbollah, Amal. Durant la guerre civile libanaise, Nasrallah a rejoint Amal, mais s’en est rapidement détaché en 1982 après l’invasion israélienne du Liban, en raison de leur position hostile envers les milices palestiniennes. C’est alors qu’il a fondé Hezbollah, avec le soutien de l’Iran.
Dès le début de sa carrière, les discours de Nasrallah ont renforcé son image de leader proche du peuple, préférant le dialecte local à l’arabe formel. Dans le livre Le phénomène Hezbollah, l’auteure Dina Matar décrit comment ses discours mêlaient politique et imagerie religieuse, le transformant en l’incarnation même du groupe.
Sa popularité transcendait les sectes, grâce notamment à l’appareil médiatique tentaculaire de Hezbollah, qui incluait la télévision, la presse et même des spectacles de théâtre pour diffuser son message.
Le Hezbollah dans la sphère politique
En 1992, sous la direction de Nasrallah, Hezbollah a fait ses premiers pas dans la politique libanaise post-guerre, participant aux élections nationales pour la première fois. Nasrallah a alors exhorté les citoyens, toutes confessions confondues, à soutenir le parti, tout en déclarant à Al Jazeera en 2006 : « Nous, chiites et sunnites, combattons ensemble contre Israël », affirmant qu’il ne craignait aucune sédition entre les communautés musulmanes et chrétiennes du Liban.
Bien qu’il n’ait jamais occupé de fonction publique, Nasrallah était souvent considéré comme l’homme le plus puissant du Liban, notamment grâce à l’arsenal militaire de Hezbollah, que le groupe a utilisé contre ses opposants. Il a toujours refusé de désarmer, affirmant que cela laisserait le Liban vulnérable face à Israël.
Cependant, son image a été ternie en 2019 lors des manifestations nationales exigeant un changement politique au Liban. Des affrontements ont eu lieu entre les manifestants et des membres de Hezbollah, réduisant la popularité de Nasrallah auprès d’une partie de la population.
Malgré ces divisions, ses partisans continuaient de le voir comme un défenseur des droits des chiites. Ses détracteurs, quant à eux, l’accusaient d’allégeance à Téhéran et de privilégier les intérêts iraniens au détriment de ceux du Liban.
Le dernier défi majeur pour Hezbollah a été son ouverture d’un front contre Israël en octobre 2023, pour soulager la pression sur son allié, le Hamas, à Gaza. Le groupe a subi de lourdes pertes, mais Nasrallah restait résolument combatif.
La disparition de Nasrallah, souvent décrit comme la « personnification de Hezbollah », laisse un vide immense. Toutefois, le groupe, hautement structuré, continuera probablement de se battre contre Israël. Le prochain dirigeant devra non seulement définir l’avenir de Hezbollah, mais aussi influencer la situation au Liban et dans toute la région.